En à peine un mois, la réalité d’une grande partie de la population mondiale s’est fondamentalement transformée. La vie quotidienne s’est arrêtée. Les systèmes politiques, économiques, éducatifs, médicaux, culturels et sociaux ont été bouleversés. Les anciennes façons de faire et de vivre ont été suspendues. On a enfin appuyé sur « pause ».
Nous sommes tous en situation de crise collective. Cet extraterrestre en forme de couronne qui existe à moins de 120 à 160 nm de diamètre fait fi des idéologies. L’ordre viral renverse les épistémès, les conventions et les frontières. Malgré des tentatives de politisation, de ségrégation et de nationalisation, les pandémies virales sont de grands facteurs de nivellement. Comme l’écrit Arundhati Roy dans un article récent du Financial Times : « Le virus cherche la prolifération et non le profit. »
Certes, la façon dont nous réagissons à la crise révèle de vieux clivages : entre les nantis et les démunis. Entre les personnes âgées et les jeunes. Entre les sexes, les classes et les cultures. Si l’on prétend que la COVID-19 est une maladie de riches, répandue par des globe-trotters faisant affaires en Chine ou descendant à ski dans les Alpes, les pauvres et les laissés-pour-compte ressentiront davantage ses effets. « Le super-capitalisme d’aujourd’hui », écrit Mike Davis, « est devenu un frein absolu au développement des forces productives nécessaires à la survie de notre espèce. »
La technologie, sous forme de vaccins, de ventilateurs ou de nouvelles plateformes en ligne, est perçue comme étant la solution pour revenir rapidement à la normale. Le vaccin pourrait bien arriver. L’immunité finira par se développer. Mais ce n’est que la pointe de l’iceberg. De quels outils avons-nous besoin pour nous préparer à un avenir incertain où les choses ne fonctionneront plus selon les anciennes règles?
Alors que les bailleurs de fonds au Canada et à l’étranger ouvrent les vannes à de nouveaux financements et à des réseaux de recherche dans le cataclysme sociétal de la COVID-19, Hexagram, en tant que réseau dédié à la recherche-création dans les domaines de la science, de la technologie et de la culture, se demande quel rôle jouera la recherche-création dans ce moment inédit. Quelle place les chercheurs-créateurs ont-ils à la table des négociations aux côtés des autres producteurs de connaissances qui tentent d’affronter cette situation sans précédent?
Que font les gens à la maison entre d’innombrables réunions Zoom, en tentant d’équilibrer famille, travail, santé et bien-être? Ils se tournent bien sûr vers les produits de la culture – les livres, les jeux, les œuvres d’art, la cuisine – pour se maintenir à flot mentalement, intellectuellement, physiquement et spirituellement.
La distanciation sociale et l’isolement s’opposent à la collectivité des arts et de la vie culturelle. Or, comme l’a affirmé Peter Weibel, artiste et directeur du Centre d’art et de technologie des médias (ZKM) de Karlsruhe, en Allemagne, dans un récent entretien vidéo : alors que nous perdons de plus en plus la capacité de nous déplacer librement, l’imagination peut continuer à voyager et demeure un outil et une technique nécessaires pour répondre aux crises.
Selon les célèbres paroles de McLuhan, les artistes et les créateurs étaient des intervenants clés dans la nouvelle société technologique, car ils agissaient comme des systèmes d’alerte précoce de l’avenir. En effet, les créateurs ont en quelque sorte été les premiers à anticiper les événements actuels. En tant que réseau de recherche spécialisé dans le pouvoir de l’imaginaire, Hexagram a donc aujourd’hui la chance de pouvoir se poser la contrefactuelle question : « Et si…? »
Le réseau Hexagram
Cette publication est également disponible en : English (Anglais)