DEMO 56 Dali Wu – Contemplant les nuages

Mars 2025

Contemplant les Nuages, un projet conçu par Dali Wu [étudiante, UQAM] en collaboration avec Christophe Cinq, a été présenté en deux versions : une première à la Chaufferie du 1 au 3 mars 2022, issue d’une résidence à l’Hexagram-UQAM, et une seconde à la Maison de la culture Notre-Dame-de-Grâce (site Monkland) du 13 janvier au 19 février 2023.

Cette DEMO s’inscrit dans la démarche de recherche-création doctorale de Dali Wu, intitulée Trans-Image : vivre l’expérience de l’éveil à l’ère du posthumain par des pratiques de recherche-création. Sa thèse visite l’expérience de la notion d’éveil telle que proposée par le bouddhisme dans une optique posthumaniste, à travers des pratiques artistiques combinant autoethnographie et des méthodes de recherche basées sur l’art. Situé à l’intersection de la philosophie, de la psychologie, de la technologie et des arts, ce projet interroge comment les avancées technologiques redéfinissent la notion d’humanité et la conscience de soi à l’ère posthumaine.


Exposition de résidence, Hexagram-UQAM, à la Chaufferie du Coeur des Sciences, 2022. Crédit photo : Dali Wu.

De la fluidité de l’existence

Contemplant les Nuages se présente comme une étude des cas explorant l’interconnexion entre l’artiste et le Soi, à travers une expérimentation artistique multidimensionnelle. Ce projet mêle expérience onirique, symbolisme spirituel et expression émotionnelle. Il témoigne des variations atmosphériques tout en s’inscrivant dans un contexte sociétal. À travers l’usage de médias interactifs, il interroge la fluidité de l’existence et intègre des enjeux contemporains, tels que la pandémie et les transformations technologiques.

Vue de l’exposition à la Maison de la culture Notre-Dame-de-Grâce, 2023. Crédit photo : Dali Wu.
Mur de nuages de Contemplant les Nuages, exposition 2023.  Crédit photo : Dali Wu.

Dans Contemplant les Nuages, le nuage devient une métaphore de l’impermanence, de la transformation perpétuelle du monde et de la vacuité des formes. Insaisissable, fluide et éphémère, il ouvre un champ infini de potentialités.

Une vision née du confinement

L’idée du projet trouve son origine en 2020, lors du confinement imposé par la pandémie. Un jour, allongée sur son canapé, Dali a vécu une expérience onirique. Quelques éléments clés de ce rêve l’ont marquée : un ciel, vaste étendue blanche dénuée d’éclat éblouissant, et des arbres célestes majestueux dont les racines jaillissent du sommet des têtes de bouddha, certaines noires, d’autres blanches.

Ce rêve symbolise, à ses yeux, les dichotomies sur le chemin de l’individuation : le non-être et l’être, ou le transcendant et le terrestre. Cette dichotomie fait écho au concept jungien du Soi, décrit comme à la fois vide et plein, envisageant la psyché de l’individu comme un tout (Jung, 1983/1951).

Nous percevons souvent le monde à travers des oppositions : bien et mal, beau et laid, sacré et profane. Or, tout comme les nuages en perpétuelle transformation, ces frontières sont fluides. Prendre conscience de cette non-dualité l’a inspirée à partager cette expérience sous forme artistique, comme un don, afin d’explorer avec autrui une liberté essentielle : reconnaître que chaque être est déjà éveillé — en sanskrit, Bouddha — en soi, et que son chemin d’individuation, loin d’être figé, est une manifestation mouvante de cet éveil même.

Observer les nuages

Dali Wu documente les formations nuageuses, 2021-2022.
Crédit photo : Nikhil Rath.

Du 25 avril 2021 au 26 avril 2022, encore sous confinement, Dali a documenté quotidiennement les formations nuageuses visibles depuis le toit-terrasse de son domicile. Contrairement aux Date Paintings (1966-2014) d’On Kawara, dont l’esthétique mécanique peut sembler oppressante, ses observations introspectives, réalisées principalement entre 18 h et 21 h, ont été consignées à l’aide de divers médiums : pastels secs, acrylique, collages, journaux et autres matériaux du quotidien.

Privilégiant des médiums tangibles pour affirmer sa subjectivité, Dali capture à la fois la versatilité des formations nuageuses et ses propres fluctuations émotionnelles. Ainsi, ces dessins deviennent une subtile chorégraphie entre les mondes intérieur et extérieur.

L’archive évolutive des dessins est consultable en format numérique dans ce lien.

Exposition à la Maison de la Culture Notre-Dame-de-Grâce. Vue rapprochée du mur de dessins des nuages, disposé selon une séquence chronologique, exposition 2023. Crédit photo : Dali Wu.

De la pratique quotidienne à l’installation interactive

Résidence Hexagram, En préparation pour l’exposition à la Chaufferie, 2022. Crédit photo : Weiwei Wang.

Lors de son exposition à la Chaufferie, d’abord hésitante à présenter son travail, Dali a découvert de grands cadres en bois semi-transparents, abandonnés parmi des déchets. Inspirée par leur présence, elle a conçu un dispositif interactif sous forme de paravent, réinterprétant ainsi ces matériaux délaissés. 

Par la suite, elle a conçu un second paravent-écran en forme de polyptyque, cette fois en plexiglas transparent, destiné à accueillir des projections numériques interactives. Ce choix était influencé par l’omniprésence des panneaux de plexiglas dans l’espace public durant la pandémie. Elle y percevait une proximité paradoxale et une distance simultanée entre les individus, propre à cette période singulière. Dans ces surfaces translucides, elle apercevait souvent son reflet flou — une image éthérée qui l’a vivement interpellée.

Dessin technique du paravent-écran pliable en plexiglas, avec dimensions, spécifications et échelle humaine, 2022
© Dali Wu.

Dynamique d’exposition

L’installation numérique intéractive fonctionne comme suit : en l’absence du public, le paravent-écran transparent reste vierge. Lorsqu’une présence est détectée par la caméra de surveillance, des nuages animés émergent, intégrant une superposition des silhouettes du public, sous forme d’images rémanentes en perpétuelle transformation. Ces formes évoluent en « nuages électroniques » aux couleurs psychédéliques, fusionnant des captures thermiques et des superpositions visuelles en boucle infinie. 

Si la personne demeure immobile, les nuages se dissipent, révélant une animation 3D générée par un système de particules, où un arbre révélateur se forme progressivement jusqu’à emplir le paravent de blanc. 

Capture d’écran de l’animation 2D de l’arbre révélateur (première version), 2022, © Dali Wu.
Capture d’écran de l’animation 3D de l’arbre révélateur (seconde version), 2023, © Dali Wu.
Vidéo capturée par le public, exposition à Notre-Dame-de-Grâce, 2023. Crédit captation : Chenlin Ding.
Le public se positionne entre le grand paravent en bois et le paravent-écran transparent, déclenchant une interaction avec les projections lumineuses, exposition 2023. Crédit photo : Nikhil Rath.

Parallèlement, sur le grand paravent en bois, Dali enregistrait ses impressions subjectives lors des interactions avec le public. Ces paysages émotionnels nuageux, abstractions fluides des silhouettes des visiteur·rice·s et de ses réactions émotionnelles à leur présence, prennent la forme de vastes plages de couleur, évoquant la métamorphose des nuages dans le monde physique. 

Paysages émotionnels nuageux (2022) sur le grand paravent, 610 x 244 x 10 cm. Techniques mixtes, © Dali Wu.

Collaboration avec Christophe Cinq

L’environnement sonore, conçu par Christophe Cinq, entrelace chants de moines, cloches tibétaines et bourdonnements ambiants. Lorsque l’arbre révélateur apparaît, des percussions du gamelan résonnent, immergeant le public dans une atmosphère méditative. En plus de cette contribution sonore, Christophe a également programmé le dispositif interactif numérique sous TouchDesigner, un élément clé permettant la synchronisation entre les mouvements du public et l’évolution des projections.

Christophe Cinq testant les projections interactives programmées sur le paravent-écran transparent.
Résidence Hexagram, exposition à la Chaufferie, 2022. Crédit photo : Dali Wu.

Liberté de choix du public

Contemplant les Nuages a suscité de nombreuses interactions avec le public, notamment lors de l’exposition à la Maison de la culture Notre-Dame-de-Grâce. Le public a la liberté de rester immobile devant le paravent pour déclencher l’animation de l’arbre, ou de s’éloigner pour observer les dessins de nuages. Ce mécanisme de libre choix souligne que chaque instant de la vie recèle de nouveaux potentiels.


Dali Wu est une artiste plasticienne et illustratrice, doctorante en études et pratiques des arts à l’UQAM. Diplômée avec un DNSEP de la Haute École des Arts du Rhin et un DNAP avec félicitations du jury de l’École Nationale Supérieure d’Art à Limoges, elle a également étudié l’art graphique à l’EPSAA à Paris, en France.

Avec plus de 11 ans d’expérience dans le domaine des arts visuels, Wu s’est distinguée par une reconnaissance internationale, remportant 35 prix et exposant ses œuvres dans des festivals et galeries à travers le monde. Ses recherches et créations ont été publiées dans des périodiques d’art renommés et réalisées en collaboration avec des institutions telles que Springer, Disney, DegreeArt, Tencent, ZCool, Hiiibrand, Guokr, le Métro de Nanjing, Campus de France, MTL en arts et Stella Musica.

Les œuvres de Wu, empreintes d’une approche introspective et onirique, tissent un dialogue entre tradition et modernité, Orient et Occident. En dehors de son travail en studio, elle a enrichi sa carrière par des résidences artistiques, des conférences et des ateliers, démontrant une volonté intarissable d’explorer des techniques diverses et de contribuer à l’évolution de la création contemporaine.

Remerciements

Direction de recherche : Éric Letourneau (UQAM)

Composition sonore et programmation TouchDesigner : Christophe Cinq

Soutiens institutionnels : Hexagram-UQAM, Maison de la culture Notre-Dame-de-Grâce (site Monkland), Atelier multitechnique de l’école de design de l’UQAM

Liens

W : https://dali-wu.com

IG : dali_wu_art

FB : daliwuart