All Voices, Nameless and Singular est une performance de danse par laquelle Emilie Morin explore la jonction entre chorégraphie et technologies de télécommunication commerciale (Skype), afin de construire des images d’elle-même avec ses propres appareils électroniques (laptop et iPhone). L’angle du ‘selfie conventionnel’ agit comme cadre conceptuel de ses expérimentations performées et performatives. Elle explore comment une incarnation consciente des gestes chorégraphiés peut créer de nouvelles relations au sein de son corps dansant, entre son corps et les images et entre le public et les images.
Morin explore intuitivement l’épuisement corporel, qu’elle associe, en tant que danseuse contemporaine, au sentiment d’accomplissement qu’elle ressent, à bout de souffle, après s’être entièrement dédiée à la pièce chorégraphique. À travers ses différents projets de performance (Trou (les beaux jours), Skype Duet, super pose super impose toi, F(L)(V) ocalized),elle développe un intérêt grandissant pour la coexistence entre son corps dansant qui s’épuise en produisant ses images par le mouvement, et les images elles-mêmes.
Sa méthode chorégraphique se concentre sur le potentiel de changement et de transformation, situé dans l’action, plutôt que dans une esthétique ou une idée préconçue de ce qui doit être représenté. Dans All Voices, Nameless and Singular, les gestes ont préséance sur les représentations visuelles, créées à travers les mouvements répétitifs et accumulatifs du corps, et à travers la manipulation de son iPhone. C’est spécifiquement par cette attention au mouvement que des relations nouvelles peuvent émerger, c’est-à-dire des relations nouvelles entre les différents corps (humains et non-humains) impliqués dans la chorégraphie : son propre corps, le public, les images numériques et les appareils technologiques.
La répétition de gestes déclenche également une forme d’attention à ce processus d’itération, créant une expérience kinesthésique particulière (ou kinesthésie) par laquelle les gestes deviennent abstraits, altérant leur sens habituel pour donner lieu à de nouvelles relations. Dans Agency & Embodiment: Performing Gestures/Producing Culture, Carrie Noland développe une théorie autour de l’agentivité du corps s’exprimant à travers les gestes, une agentivité qui informe les actions de la personne. Dans sa recherche, l’expérience qui est « agentique » (Noland, 2009) se manifeste dans la conscience kinesthésique spécifique à la maîtrise de son corps entraîné qui se sent bouger à travers ce processus répétitif. Cette expérience sensorielle peut provoquer des modifications, voire même résister aux habitudes des gestes.
Le chevauchement entre les méthodes chorégraphiques de Morin et la manipulation de son iPhone lui permet de réfléchir à la manière dont la maîtrise de ces gestes, à travers la répétition, ne change pas seulement son corps, mais sa relation avec les images produites en bougeant et en manipulant son iPhone, et celle avec son iPhone. Un geste bien connu, le selfie, se voit donc transformé. À travers ce dernier, Morin reconnaît son travail en tant que geste et image. En ce sens, sa recherche-création peut tout à la fois renforcer les significations évoquées par le selfie conventionnel et résister à ces dernières.
Cette DÉMO a été présentée dans le cadre de Sur_Exposition, co-organisé par l’UQAC – École NAD, le Laboratoire MIMESIS et Hexagram. SUR_Exposition présente des travaux et des initiatives portant sur les modalités de création, de diffusion, et de médiation artistiques par les nouveaux espaces virtuels et immersifs.
Crédit photo: Dominique Bouchard Crédits pour All Voices, Nameless and Singular
Chorégraphie et performance: Emilie Morin
Caméra et montage vidéo: Dominique Bouchard
Conception d’éclairage et direction technique: Jon Cleveland
Conception sonore : Pier-Luc Lussier
Direction de maîtrise: Angélique Willkie
BIOGRAPHIE
Emilie Morin est une artiste de Montréal. Elle a obtenu son baccalauréat en danse à l’UQÀM en 2006, et depuis, travaille comme interprète en danse contemporaine pour la scène, les espaces atypiques et l’écran. Elle a collaboré avec de nombreux chorégraphes et réalisateurs indépendants. Emilie a voyagé en Europe, aux États-Unis et au Mexique pour présenter son travail, donner des conférences, enseigner et pour du perfectionnement professionnel. Afin d’investiguer la relation entre la danse et les nouveaux médias, Emilie vient de compléter une maîtrise en Intermedia à l’Université Concordia (2017-2021). Sa recherche académique a été soutenue par le Fonds de recherche du Québec – Société et Culture (FRQSC). Pour toute question, n’hésitez à contacter : mieliemorin@hotmail.com