Arts sonores et transduction des genres: Installations, concerts et tables rondes

Hexagram, les 3 et 4 novembre 2023

À L’AGORA DU CŒUR DES SCIENCES, 175 av. du Président-Kennedy, Montréal 

L’événement « Arts sonores et transduction des genres », constitue le premier volet du laboratoire  « Musiques cachées – écouter la diversité sonore ». Ce premier volet laisse particulièrement la place à des compositrices ou des artistes dont le travail se place à l’écart de celui des industries culturelles.

Inspiré par la notion de transduction du philosophe Gilbert Simondon, « une opération physique, biologique, mentale, sociale, par laquelle une activité se propage de proche en proche à l’intérieur d’un domaine, en fondant cette propagation sur une structuration du domaine opérée de place en place » cet événement favorise une approche « transductive » des arts sonores, autant qu’aux « genres » liés à l’identité.

Un événement d’André Éric Létourneau
Coordination : Gabrielle Couillard


PROGRAMMATION

VENDREDI LE 3 NOVEMBRE de 13h30 à 17h00: INSTALLATIONS SONORES

DIMITRI DELPHIN – La plage aux crabes (2023)

La Plage aux Crabes est une installation immersive qui invite le public à explorer un espace indéfini, entre réalité et imaginaire, en compagnie de fragments sonores de survivants du cancer. Sous l’influence de l’humeur changeante de la mer et des différents témoignages, les visiteurs sont entraînés dans un récit intime de la maladie.

Cette œuvre explore la place de la temporalité et des forces de résiliences dans la maladie et interroge notre rapport aux maux qui façonnent notre identité. La Plage aux Crabes est ainsi un exutoire personnel, mais aussi une invitation à la réflexion sur les expériences de vie que nous partageons tous, et sur leur transmission aux générations futures.

En utilisant un dispositif sonore immersif, cette création propose un récit commun entre plusieurs vies, invitant les visiteurs de se connecter à leurs propres souvenirs et émotions. La Plage aux Crabes est ainsi une expérience introspective, qui invite chacun à réfléchir à sa propre histoire et à partager ses expériences avec les autres. L’œuvre dans sa version finale sera présentée en décembre 2023,

SOPHIE CABOT – Tresser les voix

La marche me révèle des réalités sociales, politiques, environnementales en intimité avec le territoire. En traversant des sites, je traverse aussi des atmosphères qui à leur tour se composent de couches d’histoire biologique et politique. Ces couches se présentant par fragments dont je récolte des images, des récits pour créer un corpus auquel j’ajoute les mots et les images de mes propres expériences vécues. Ces expériences prennent la forme de performances, d’actions, de dessins et de textes. Les rencontres sont centrales dans ma pratique, je les apprécie pour la part d’inattendu quelles me procurent, pour les changements d’orientation qu’elles occasionnent dans mon itinéraire ou ma démarche de création. Ceci s’explique par la transcorporéité. C’est-à-dire que je me rends disponible aux rencontres avec toutes formes de vivant (humain, arbre, plante, animal) y compris les énergies qui circulent. Mon corps est mon outil principal. Selon les outils matériels que j’ai avec moi, j’enregistre, je dessine, je trace, j’écris, je capte des espaces (fragment de paysage) et des instants (intuition de l’instant par la présence) qui agissent dans les épaisseurs du vivant en relation (transcorporéité). Par les actions, tout mouvement articule cet ensemble dans une danse entre et avec les corps, par le temps et l’espace. Mes actions se tressent avec les récits des autres, ceux qui me sont racontés. Les récits sont accessibles sur le site du projet Tresser les voix, tresser le temps : Échos de la Gaspésie.


SAMEDI 4 NOVEMBRE :

  • 15h30 PREMIÈRE TABLE RONDE : L’ART CHANGE-T-IL LA VIE?

Avec Dominique Berthet (Université des Antilles), Sophie Cabot (UQAM), Claire Dehove (WOS/Agence des Hypothèses/Ambassade de la métanation) et Loli Tsan (SUNY). Modérateur André Louis Paré (revue ESPACE art actuel)

Si l’art change la vie, de quelle vie s’agit-il ? Celle de l’artiste, celle des spectateur·rice·s? ou de la vie en général, si on déploie les effets de la production artistique sur temps longs, celui de l’histoire de l’art ?

En posant cette question L’art change-t-il la vie ? – qui est aussi le titre de l’ouvrage -, Dominique Berthet, philosophe, esthéticien, commissaire, prend parti, dès l’introduction à son livre, sur l’utilité de l’art. Sa nécessité.

Mais comment pour un·e artiste se vit cette nécessité ? Comment se déploie-t-elle dans son histoire, son expérience personnelle ? Les contraintes du quotidien, le besoin de survie pour certains, n’empêchent-ils pas de restreindre cette nécessité ? Autrement dit, cette nécessité est-elle soutenue pas des structures socio-politiques qui rendent possible la nécessité de l’art de s’épanouir ?

Or justement, n’y a-t-il pas une différence entre la nécessité de faire de l’art pour un homme et une femme ? Longtemps les institutions ont favorisé les possibilités artistiques d’un homme, alors que les artistes femmes se sont repliées vers des arts plus près de l’artisanat. La nécessité de l’art n’est peut-être pas remise en question, mais elle s’exprime dans une autre sphère plus domestique.

Dans son livre, Berthet considère aussi que l’art change la vie pourvu qu’il apporte un point de vue critique sur le monde tel qu’il va ? Est-ce que le regard critique est différent selon le genre ? Le regard porté sur le monde de la part des artistes femmes développe-t-il une façon de voir le monde autrement ?

Enfin, Berthet développe tout un chapitre sur les utopies artistiques. Pour l’auteur les utopies développées par les artistes sont en lien avec le point de vue critique que déploie une œuvre d’art. Mais peut-on aussi penser que le féminisme développe une utopie particulière ? En quoi une utopie féminine est-elle en mesure d’apporter une vision du social, de la vie en société, qui modifierait notre manière de penser le monde à venir.

Bref, lors de cette table ronde, les artistes invitées devraient pouvoir présenter à travers leurs pratiques ce qui les caractérise en matière d’engagement artistique sur le plan critique et d’une utopie proprement féminine. Si l’art change la vie, comment les artistes femmes peuvent-elles contribuer à ce changement ?


  • 19h00 CONCERT/PERFORMANCES:

ALEXANDRE ST-ONGE et SUZANNE LEBLANC (Université Laval) – Opéra Phase 3

L’oeuvre poursuit le travail initié dans Opéra Phase 1: Vocabulaire et Opéra Phase 2 : Énoncés, à la recherche d’une unité sur la base de trois agentivités : les relations humain-machine, les rapports hybrides et l’être ensemble. L’extrait d’Opéra Phase 3 : Remarques intitulées xT considère la diversité sous l’angle de l’extraterrestrialité.

RICARDO DAL FARRA (Concordia) – Greindar’s Paradox (Le Paradoxe de Greindar)

La transduction sonore qui transforme l’attendu en inattendu lorsque le système modifie l’essence même de l’humain. L’intelligence naturelle et l’intelligence artificielle dans une rencontre qui tente d’imbriquer l’apprentissage pour se comprendre, alors que cela dépasse les possibilités actuelles et probablement futures. Un sens vide de sens, lorsque la raison se perd dans la vaine tentative de recherche de réponses.

ÉLIANE CANTIN avec DENIS COURCHESNE (UQAM) – Musique pour moulin ancestral et percussions

Une rivière, un moulin, le frottement des meules, le grincement des engrenages et les gestes du meunier qui veille au grain. Tant de sources sonores issues d’un patrimoine presque oublié, qui autrefois était essentiel aux seigneuries de la Nouvelle-France. Nous vous présentons le début d’une expérience sonore créative qui vise à faire découvrir et à mettre en musique les paysages sonores de lieux patrimoniaux.

GABRIELLE COUILLARD (UQAM/HEXAGRAM) – Territoires

Il me fallait reconstruire pour survivre, mais d’abord il fallait tout détruire. Il me fallait me raconter à l’envers de moi, trouver des mots ailleurs que dans les désordres habituels, apprendre au milieu du chaos à faire naître une origine qui me raconterait réellement, telle que je suis. Trouver le silence, là; au milieu des bruits, attendre le point où plus aucun mot ne serait utile; que les grincements et les souffles du monde, les tempêtes, les murmures indistincts, les conversations attrapées au loin sans y comprendre un mot, le bruit des vagues qui nous racontent les violences et douceurs du monde, où enfin me laisser reposer. Le silence bruyant où je me dessine de nouveaux territoires pour (ré)apprendre le monde.

Pièce composée à partir d’enregistrements de territoires intimes, locaux et internationaux

KASEY POCIUS (McGill)eTu{d,b}e de Labo #1
eTu{d,b}e de Labo #1 est la première d’une série d’œuvres de médias fixes explorant les possibilités de l’eTube en dehors du contexte en temps réel. Le matériel source est constitué d’improvisations par Tommy Davis au eTube de pair avec le logiciel SpireMuse. L’ensemble de ces improvisations sont présentées comme un montage kaléidoscopique au début de la pièce, servant ensuite de base au traitement qui se développe lentement avant de dépasser le son acoustique du tube, ne laissant rien d’autre qu’une trace numérique de l’improvisation d’origine…

MARIE-ANNICK BÉLIVEAU (UQAM – Chants libres) – voix liminales (2023)

ADN: Ma voix, mon instrument, mon identité. Ma voix, une projection de moi-même. De mon sexe, de mon âge, de ma culture, de mon anatomie, de mon ADN.
TRANSDUCTION: Ma voix s’affranchit, se réinvente, se cherche. Naturelle à artificielle, de la voix réelle à la voix fictive. Du cri au chant.
LIMINARITÉ: Ma voix dans les limites, dans les interstices, dans mes failles et mes zones d’ombre. La rencontre se fera sur la frontière. Écoutez ma voix en équilibre sur le barbelé.


  • 20h: DEUXIÈME TABLE RONDE AVEC LES COMPOSITRICES ET COMPOSITEURS DE LA SOIRÉE

Ce projet est rendu possible grâce au soutien du Fonds de recherche du Québec Société-Culture, du regroupement stratégique Hexagram, du Groupe de recherche en médiatisation du son (GRMS) et de Radio Bloc Oral.