Septembre 2023

Du 28 août au 2 septembre 2023, l’artiste multidisciplinaire Mariane Laporte [membre étudiante, UQAM] s’est rendue à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) pour y faire une résidence appuyée par Espace O Lab et Hexagram. Les objectifs principaux de son séjour furent la création et l’animation de modèles 3D ainsi que la conception d’une application de réalité augmentée. Les expérimentations ont été présentés lors de la performance « Siphonophore » le 2 septembre 2023 au Jardin XR de l’Agora des Arts dans le cadre du Festival de Musique Émergente.

Le matériel audiovisuel créé à cette occasion sera intégré à un recueil de poésie hybride. Ce média, d’approche littéraire et performative, offre une lecture à la fois traditionnelle et augmentée. C’est le support où convergent les explorations du mémoire-création « Siphonophore : des alternatives posthumanistes féministes à la procréation », dirigé par Sofian Audry [membre chercheur, UQAM]. Choisira-t-on de soustraire au regard ce qui peut être révélé par la température ? Le « sipho-cordon », une fusion entre le cordon ombilical et le siphonophore, rattache l’intention poétique à la création de Mariane, qui incarne toutes les étapes d’une grossesse allégorique.

Les étapes

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• 1. Modélisation 3D

  
  Deux prototypes ont été créés par Jean-Ambroise Vesac [membre collaborateur, UQAT] pour les besoins spécifiques du projet : un « sipho-cordon » (Blender) et un humanoïde (Make Human).
  
  La texture appliquée à la « peau » (Maya) des avatars est celle du corps de la chercheuse-créatrice qui prend les nuances des couleurs associées aux indices de température détectés par la caméra thermique Flir One Pro. Cette personnification abstraite est un témoignage de sa présence intimement impudique.
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  2. Captation des mouvements et animation des modèles 3D

  
  Une fois la caractérisation des modèles 3D achevée (Maya), les mouvements perçus par les capteurs du studio de motion capture sont enregistrés et gérés puis envoyés vers un logiciel d’animation 3D afin d’appliquer les actions aux squelettes (Vicon, Motion Builder).
  
  Une série d’exercices de préparation à la naissance et des simulations comportementales de siphonophores dans leur milieu naturel sont spontanément exécutées. Cette méthode permet l’incarnation du sujet de la recherche par l’autrice. Cette étape archivée est primordiale, car des (re)naissances alternatives et posthumanistes sont phénoménologiquement vécues.
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  3. Scénarisation et application de réalité augmentée

  
  De courtes boucles d’animations sont ensuite créées (Unity). Le choix des extraits repose sur le critère d’authenticité du ressenti. L’application de réalité augmentée est exécutée sur la plateforme AR Fundation et se déploie dans l’espace par la détection d’une surface plane. Enfin, l’expérimentation du script « web cam texture » permet de générer un matériel qui intègre la texture perçue par la caméra d’un appareil, tel qu’un iPad ou un cellulaire. C’est une façon de superposer des matérialités physiques et tangibles sur des corps virtuellement augmentés.
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  4. Partage du processus créatif

  
  La démarche artistique a été présentée en classe à des étudiants au baccalauréat en création numérique à l’UQAT et lors d’une performance à l’Agora des Arts de Rouyn-Noranda.

La performance

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La poésie, la génération d’environnements immersifs et la musique expérimentale servent à deux fins :

• 1. Simuler le paramètre « température » de l’intelligence artificielle

  
  
  • Les variations des données captées en direct par une caméra thermique influencent le degré aléatoire artistique, se basant sur le paramètre « température » de l’intelligence artificielle. Une trame sonore et des poèmes préalablement composés sont considérés comme « neutres ». Le degré d’improvisation et d’explorations expérimentales fluctue selon deux facteurs qui font varier la température – l’effort physique et l’eau – qui sont reliés à l’accouchement. Les changements se ressentent dans l’interprétation musicale et la récitation poétique, plus spécifiquement par des effets modifiant les instruments et la voix.
  
  
  • Lors d’une grossesse, la température est suivie de près, que ce soit pour déterminer l’ovulation ou éviter les dommages au fœtus. Cette expérience calculée et aliénante peut être transformée en une expression fluide en détournant les données quantitatives par des données qualitatives.
  
  
  • Les zooïdes reliés par le stolon des siphonophores sont poïkilothermes. La mère et son fœtus sont deux êtres homéothermes connectés par un cordon. La température est un moyen de signifier la présence – ou l’absence – des corps virtuels et organiques. Les valeurs thermiques et les algorithmes, lorsqu’ils sont associés à une intention artistique, peuvent procurer des preuves indéniables de sensations.
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  2. Provoquer une division entre l’artiste et le public

  
  
  • Suggérer la révélation
    La mise en scène est dissimulée derrière un rideau opaque à proximité du public.  La performance in situ, en apparence sans accès direct, passe par un canal technologique : cellulaire, caméra thermique, Apple TV, router, ordinateur et projecteur. La captation est transmise en direct sur grand écran (6’x10’) au centre de la pièce. Sans le proposer, le pouvoir de révéler l’artiste est donné à l’audience. C’est le même principe qui opère lors d’une lecture en réalité augmentée.
    
    Deux échographies générées sur Dall-E sont utilisées comme des preuves de vie par la technologie. Les images fictives suggèrent le fœtus d’un humain et d’un siphonophore ressemblant à un spermatozoïde. Un gel ultrason est appliqué sur le ventre de l’artiste et sur le ballon Swiss Ball qui sert à l’exécution des exercices de Kegel durant la récitation poétique. Les répétitions et la lubrification du corps et des objets sont provocantes, bien que naturelles. De la procréation à l’accouchement, des moments privés – habituellement dissimulés au grand nombre – sont exécutés en contexte performatif et diffusés en temps réel.
    
    Le constat : le témoignage d’une naissance est encore source de malaise pour plusieurs personnes.

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  • Des naissances alternatives
    Deux iPads sont placés devant la toile de projection. Sur chaque écran, une boucle d’animation. La texture des « sipho-cordons » prend la couleur de la performance captée en direct, une mise en abîme préméditée. La chorégraphie de cette fusion entre le siphonophore et le cordon ombilical a été préalablement incarnée par l’artiste dans un studio de motion capture. Un troisième iPad mobile augmente un humanoïde et un « sipho-cordon » qui se jumellent dans l’espace de la galerie.
    
    Créer, incarner et animer des modèles 3D éjectent d’infinies possibilités dans le monde physique et virtuel. C’est un renversement de rôles : les « rejetons » nés de l’imaginaire de l’artiste l’alimentent et lui octroient des alternatives posthumanistes à sa propre existence.

La suite

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La prochaine étape créative est le recours du paramètre « température » autour de ces thématiques exécutées par intelligence artificielle. L’intention est de pouvoir comparer le biais de l’artiste femme et de la technologie dans un contexte de poésie-performance. Le troisième et dernier chapitre est la supposition d’un dialogue « humano-algorithmique ».

Poème récité

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