DEMO22 Max Boutin – Texturologies

Juin 2022

Cette DÉMO présente l’exposition doctorale de Max Boutin [membre étudiant, UQÀM], Texturologies, présentée à l’Agora Hydro-Québec à Montréal, du 22 au 26 avril 2022.

Dans une démarche expérientielle articulant recherche-création et skateboard, cette exposition doctorale propose d’expérimenter le potentiel vibratoire, visuel et sonore de la texture des sols de Montréal. Elle présente le skate comme un mode d’exploration de la surface de l’espace urbain où les matériaux qui composent les sols peuvent générer un certain rythme, une certaine musicalité et révéler une identité vibratoire de la ville. Texturologies est une exposition installative, mutlimédia et haptique proposant une expérience de dérive, de glisse et de frottement, une expérience vibratoire du tissu urbain à travers la subjectivité du skateboard.

Texturologies est une exposition installative développée dans le contexte d’un doctorat en études et pratiques des arts, dont la première itération a été présentée à l’Agora Hydro-Québec en avril 2022.

  • EXPOSITION TEXTUROLOGIES – AGORA HYDRO QUÉBEC – 2022

    Texturologies est une exposition installative développée dans le contexte d’un doctorat en études et pratiques des arts, dont la première itération a été présentée à l’Agora Hydro-Québec en avril 2022.
    Ce projet a comme intention d’interroger le skateboard comme une pratique sensorielle par laquelle les espaces urbains et leurs formes architecturales sont réinterprétés dans l’action, dans une démarche performative, tactile et sonore.
    La ville est un environnement à explorer, c’est un lieu de textures avec un potentiel d’expérience, où les matériaux qui composent les sols peuvent générer en skate un certain rythme, une certaine musicalité et révéler une identité vibratoire et sonore propre à chaque espace.

    L’exposition propose une lecture texturologique de différents spots de skate de Montréal qui ont été choisis pour leur richesse texturale, leur matérialité et leur potentiel vibratoire :

    • Stade Olympique
    • PLAF (Parc Lafontaine)
    • Peace Park (la Place de la Paix)
    • Place des Arts
      • Parterre du quartier des spectacles
      • Place des arts
      • Place des festivals
    • Peel Park (Square Dorchester)
    • Belvédère (Belvédère Kondiaronk)

    Texturologie vibratoire est l’élément principal de l’exposition. C’est une installation vidéographique, sonore et haptique proposant une exploration de différents spots de Montréal à travers la vue subjective d’un skateboard et sa sensation vibratoire ressentie physiquement par le corps du spectateur. L’installation est composée d’une vidéoprojection à double canaux sur un écran en béton, un écran en panneaux de bois, des haut-parleurs et un module haptique équipé de transducteurs tactiles. Texturologie (prints) est une série de gaufrages performatifs réalisés par impression de la texture des spots sur le papier, en faisant du skateboard.

    Bien qu’il s’agisse de deux projets pouvant être présentés de manière autonome, l’ensemble de l’exposition fonctionne en synchronisme. Les vibrations émanant de Texturologie vibratoire sont transposées en lumière, la texture des spots étant révélée sur le papier par le scintillement lumineux du son du skate dans le même environnement.

  • TEXTUROLOGIE: CONCEPT

    Mon projet de recherche-création se focalise sur le potentiel visuel et sonore de la matérialité des sols parcourus. Le terme texturologie est devenu pour moi un champ de pratiques expérimentales des textures des sols urbains, par le skateboard. Il est à la fois un concept et le titre de séries de travaux.

    Il a déjà été mentionné par Michel De Certeau dans son ouvrage L’invention du quotidien, tome 1 : Arts de faire où il décrit les rues de Manhattan vues de dessus depuis le World Trade Centre où tout lui semble fourmiller en dessous de lui.

    Dans un article au sujet de Raphaël Zarka, le critique d’art Elie During suggère que le « corps appareillé [du skateur] attentif aux micropropriétés des sols et des revêtements, sensible aux moindres accidents ou modulations de la chaussée, a développé une espèce de perception « moléculaire » de la ville. » Texturologie se décompose par le préfixe « texture », ce qui compose un matériau, provenant du latin textura ou « tisser ». Son suffixe, « Logie » vient du latin Logia, soit la science, l’étude d’un sujet ou son discours. La texturologie est donc l’étude du tissage, l’étude des textures et, le tissage des matériaux des surfaces de la ville.

    Texturologies (vibrations), images extraites des séquences vidéo du skatecam, série de 2020.

    Si la texturologie se caractérise aujourd’hui comme une sorte de dérive dans l’espace urbain à des fins exploratoires de la matérialité des sols et de transposition sensorielle, elle a déjà été abordée en peinture dans une approche similaire par Jean Dubuffet à la fin des années 1950, dont la description suivante de Georges Limbour est tirée de l’ouvrage Célébration du sol I, lieux cursifs, texturologies, topographies.

    « Avec la texturologie, Dubuffet fait des topographies. […] le sol est un parchemin sur lequel des textes, à déchiffrer, sont inscrits. Une texture, ne l’avons-nous pas compris ? Est une manière de texte, et tout est langage. Ces sols — ombreux, roux, fromagers, duveteux, mouillés, couleur de poivre, d’épices, de vieux meubles, de vieux métaux; chaussées urbaines ou nappes de terre — ces sols solides et réels, se dérobent cependant et s’ouvrent sous nos pas. Et ce sont des tapis de sol volants, emportés aux vents capricieux des rêveries personnelles, car à bien célébrer le sol, on a vite fait perdre pied. »

    Jean Dubuffet, Vie exemplaire du sol (Texturologie LXIII), huile sur toile, 129,5 x 161,9 cm, 1958

    Max Boutin, Texturologie vibratoire, image extraite d’une séquence vibratoire du skatecam, Stade olympique de Montréal – parvis sud ouest, 2021.

  • DYPTIQUE TEXTUROLOGIE VIBRATOIRE

    Texturologie vibratoire, extrait du diptyque présenté dans l’installation lors de l’exposition Texturologies à l’Agora Hydro-Québec en avril 2022.

  • SKATECAM – UN INSTRUMENT DE TRANSPOSITION

    Le skateur est comme un “appareil de lecture” de la texture de la ville, sa planche est comme l’extension de son corps, son outil, voire son instrument. En poussant au sol sur sa planche, il se déplace et crée un motif sonore selon les spécificités de la surface : sa dureté, sa porosité, sa granularité, ses lignes de joints dans le cas de pavages, la vitesse, la ligne (trajectoire) qu’il va suivre dans l’espace et la dureté de ses roues.

    Il est donc générateur de sonorités et de rythmes lorsqu’il se déplace sur les surfaces texturées de l’espace urbain que l’on pourrait comparer à un disque vinyle composé de microsillons parcourus par un diamant diffusant des sons. Les surfaces lisses et rugueuses des sols sont « lues » par les roues du skateboard se déployant sur elles, faisant alors ressentir au skateur des vibrations et leur sonorité.

    Dans le cas de Texturologie vibratoire, pour filmer la subjectivité du skateboard, plusieurs prototypes de skate appareillés d’une caméra ont été réalisés. La version finale utilisée dans l’exposition Texturologies est composée d’une planche Stéréo, d’une paire de trucks Venture, de deux kits de riser pads (4x 0.5 pouces), un set de roues OJ Wheels de dureté 95A et 58mm, une pièce conçue en 3d et imprimée en résine (Tough 2000), un boitier en aluminium pour caméra GoPro et une caméra GoPro Hero 8.
    Les séquences vidéo sont enregistrées en 4k, 60 fps, hypersmooth mode (stabilisation numérique), mode plat, grand angle et chacune d’entre elle est travaillée en postproduction sur Adobe Première.

    Texturologies, table de recherche, exposition à l’Agora Hydro Québec, 2022. Photo : Flore Boubila

    À travers mon processus de recherche-création, je considère désormais le skateboard comme un instrument plutôt que comme un objet de loisir ou un outil. Pour un non-initié, le skateboard est simplement bruyant.
    Pour un skateur, le bruit fait partie intégrante de la pratique, c’est une condition inhérente. Pas de bruit, pas de skate. La sensation vibratoire perçue dans le corps par les pieds peut être autant agréable qu’insupportable en fonction de la granularité sur sol ou du motif de pavement sur lequel on se déplace.
    Comme un grand nombre d’instruments de musique, le skate a une partie en bois et est doté d’un mécanisme en métal pouvant être réglé afin d’accorder l’instrument. Il y a même des pièces en caoutchouc servant au contrôle des vibrations et permettant de jouer plus harmonieusement et des pieds faisant office de roues. Si le skate a un de ses paramètres déréglés comme une planche humide, des roulements à billes trop huilés ou défectueux, une roue plate ou encore une vis trop desserrée, il paraîtra désaccordé aux oreilles des autres skateurs.

    Experimentation, skatecam avec micro contact branché dans la planche. Prototype expérimental non retenu comme instrument final.

    Dans le cas d’un skatecam, le skatebord n’est plus seulement un instrument pour jouer avec la partition texturale des revêtements des sols, il devient aussi un instrument d’enregistrement, à des fins de post-production. On pourrait le voir comme un instrument électroacoustique, électrique ou comme un instrument doté de microphones, pouvant aussi faire des photos et des vidéos en 4k.

    Les skateurs sont-ils alors des musiciens expérimentaux malgré eux ?

    Experimentation d’enregistrement sonore dans le contexte d’une recherche en collaboration avec Brian Glenney. Photo : Brian Glenney. Skater : Levi Glenney

  • VUES SUBJECTIVES DU SKATECAM

    Vues subjectives du skatecam pour l’installation Texturologie vibratoire. (extraits)

    Description des spots de gauche à droite et de haut en bas :
    – Peel park (Square Dorchester), Montréal, 2021
    – Stade Olympique (parvis ouest), Montréal, 2021
    – Parterre du quartier des spectacles, Montréal, 2021
    – Stade Olympique (skatepark Vans), Montréal, 2021

  • PLANCHER HAPTIQUE – MODULE DE TRANSPOSITION

    Avant de s’intéresser à la texturologie, mon travail de recherche-création part d’une interrogation pratique : comment transposer l’expérience vibratoire du skate dans une installation multimédia ?
    Avant de devenir une recherche expérimentale avec des skateboards et des caméras, le projet trouve son origine dans une démarche de transposition d’une expérience corporelle du skate vers ma pratique artistique pluridisciplinaire.
    Considérant le skateboard comme un mode d’exploration sensorielle des espaces, pourquoi ne pas exploiter ce potentiel à travers sa subjectivité ?

    Le skate est une transposition du surf qui a migré dans les piscines vides de la Californie un été de sècheresse accru dans les années 60 aux États-Unis. Les vagues se sont figées en béton, et la force de l’eau propulsant les surfeurs a dû se traduire en acte d’autopropulsion dans l’espace. Pousser avec son pied au sol en skate est alors devenu le geste de base pour se mouvoir sur les surfaces texturées de la ville.
    La rencontre des roues et des sols crée une friction ayant une richesse ne passant pas inaperçue dans l’espace urbain. Celui-ci est composé d’innombrables matériaux, tous dotés de caractéristiques spécifiques. Le maillage de cette matérialité est alors un tissage expérimentable dans lequel le skateur, en fonction de sa trajectoire, de sa vitesse et de la configuration matérielle de son instrument, sera un générateur de sonorités.

    Les petits pavés taillés aux trois textures de Peel Park (Square Dorchester, Montréal), les dalles de la place Ville-Marie qui résonnent, les stries de béton au coin des rues, le bitume et ses nids de poules, le béton de dalle de trottoir aux joints souvent profonds, le béton lissé à l’hélicoptère ; toutes ces variations ont un style sonore, et une identité vibratoire spécifique à chaque spot.
    En reprenant l’analogie du disque vinyle, le skateur en roulant perçoit toutes les modulations des sols, sa rugosité, sa dureté, sa résolution (finesse), son agencement matériel, ses rythmes. Son passage sur le sol devient avec son skate comme le diamant dans les sillons d’un disque et l’espace résonnant autour de lui comme un amplificateur. Toutes ces variations et vibrations sont transmises du sol aux roues, des roues au trucks fixés au bois de la planche transférant aux chaussures et aux pieds l’intensité vibratoire de la friction.

    Pour transposer ce patrimoine vibratoire au-delà de l’image et du son, les basses fréquences des subwoofers ne sont pas suffisant. Dans le contexte de l’installation texturologie vibratoire, l’approche vibratoire doit être haptique pour permettre de faire une expérience somatique du skateboard. L’installation devient alors multimédia car plurisensorielle et donc, expérientielle.

    Module haptique pour texturologie vibratoire. 8x8x1 pieds, plywood 1/4 de pouces, bois de contruction (épinette 2×4 pieds), transducteurs tactiles Buttkicker, caoutchouc.

  • PRINTS

    Texturologies (prints), série de gaufrages performatifs de textures, réalisée en skateboard sur papier d’Arches Papier 300 g/m2, 9 x 12 pouces, contrecollage éphémère sur panneaux d’acrylique transparant, monté sur pied de micro table.

    Description des spots de gauche à droite et de haut en bas :
    – Peel park (Square Dorchester), Montréal, 2021
    – Plaf (Place Charles-de-Gaulle), Parc Lafontaine, Montréal, 2021
    – Place des Arts, Montréal, 2021
    – Stade Olympique, Montréal, 2021

    Processus de fabrication de texturologie (print), peace park.
    Extrait vidéo du processus complet (26 min.) présenté dans l’exposition Texturologies à l’Agora Hydro-Québec en 2022.

  • PHOTOS DE L’EXPOSITION – ARCHIVE DES OEUVRES

    Photos de texturologie vibratoire, max boutin, 2022

    Dispositif de diffusion de la video de processus de texturologie (prints), moniteur sony 4k monté sur une structure en bois à 45°.

    Détails de textures des prints, Max Boutin, 2022.

  • PHOTOS DE L’EXPOSITION – PUBLIC

    Les photos qui suivent ont été prises par la photographe Flore Boubila lors du vernissage de l’exposition, le vendredi 22 avril 2022.

Max Boutin est un artiste-chercheur-skateur pluridisciplinaire développant le concept de texturologie. Sa pratique artistique se matérialise à travers des installations vidéographiques, sculpturales photographiques et sonores. Elle est inspirée du skateboard, animant un besoin de transposer l’expérience sensorielle d’une mise en vertige du corps: celui que l’on se donne.

Il est titulaire d’une maîtrise de l’école des Beaux-Arts de Montpellier en France (Mo.Co) et poursuit actuellement un doctorat en études et pratiques des arts à l’UQÀM (Université du Québec À Montréal). Ses recherches sont soutenues par le réseau Hexagram et le Fonds de recherche du Québec, société et culture (FRQSC). Ses travaux ont été récemment présentés dans les festivals Mutek (Montréal), Ars Electronica (Autriche), Nova (Roumanie).

site web : maxboutin.com
instagram : texturologies
mail : max.boutin.contact@gmail.com

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