DEMO25 Victor Drouin-Trempe – Empreintes sonores

Juillet 2022

Dans cette Démo, Victor Drouin-Trempe [membre étudiant, UQAM-UdeM] présente un prototype initialement conçu lors du séminaire donné par Nicolas Reeves [membre cochercheur, UQAM] dans le cadre du doctorat en Études et Pratiques des arts intitulé « Le temps comme acteur et personnage dans les processus de création ». Le projet Empreintes sonores a donc été conçu, d’une part, pour offrir une réflexion sur le rapport au temps et d’autre part, pour explorer certaines questions issues des problématiques de sa recherche doctorale.

Dans ce projet, Victor souhaite explorer les liens entre agents non-humains (plus particulièrement les assistants vocaux, comme le Google Home) et agents humains, puisque nous voyons se bâtir de nouveaux écosystèmes dans lesquels se tissent des liens de plus en plus étroits entre les machines et les humains.

Une étude a démontré que les Google Home Mini s’activent en moyenne 0.95 fois par heure, ou 1.43 fois à chaque 10000 mots prononcés [1]. Ils se déclenchent souvent par erreur, car ils peuvent détecter des mots qui s’apparentent aux mots d’activation (wake words). À chaque activation, les assistants enregistrent un segment audio qui est ensuite envoyé aux serveurs de Google. Dans ces données collectées il peut se trouver des discussions privées à contenu potentiellement sensible qui peuvent être exposés à des tiers. [2]

Empreintes sonores cherche à exposer le poids de l’accumulation de tous les enregistrements (souvent inutiles) effectués avec ces appareils.

Dans l’installation réalisée lors de sa résidence à l’été 2022, un Google Home Mini écoute discrètement et enregistre en continu. Les sons captés sont rediffusés de manière aléatoire dans les 4 haut-parleurs et se mélangent pour finalement terminer dans un dépotoir sonore – espace virtuel imaginaire dans lequel se retrouveraient tous les sons inutilisés qui ont préalablement été enregistrés par les assistants numériques.

À partir d’un certain seuil, un fragment de son est enregistré et l’onde sonore est projetée sur le mur, comme si le son était figé dans le temps et dans l’espace. Un capteur de mouvement repère les déplacements et permet d’explorer l’onde sonore. Plutôt que de laisser le son se déplacer vers les oreilles, ce sont plutôt, à l’inverse, nos oreilles qui doivent se déplacer pour parcourir le son : ce dernier se libère de sa nature éphémère et singulière pour s’inscrire dans l’espace, ce qui permet de percevoir, le temps d’un instant, l’empreinte sonore dans l’environnement. Au bout d’un moment, la trace sonore s’évanouit et se mélange aux autres bruits ambiants.

Merci à Hexagram pour l’espace et la résidence, Victor Brayant et Max Boutin à la technique, Jean-Philippe Côté pour la programmation TouchDesigner et Jules Roze pour le travail de visualisation sonore.

[1] Dubois, D. J., Kolcun, R., Mandalari, A. M., Paracha, M. T., Choffnes, D., & Haddadi, H. (2020). When speakers are all ears: characterizing misactivations of iot smart speakers. Proceedings on Privacy Enhancing Technologies2020(4), 255–276. https://doi.org/10.2478/popets-2020-0072

[2] VRT NWS, Google employees are eavesdropping, even in your living room. Accessed on 07/31/2022, https: //www.vrt.be/vrtnws/en/2019/07/10/google-employeesare-eavesdropping-even-in-flemish-living-rooms/.

Victor Drouin-Trempe est artiste, chercheur et professeur en création sonore et en philosophie au Cégep du Vieux Montréal. Il détient une maîtrise en philosophie et poursuit actuellement un doctorat en Études et Pratiques des arts à l’UQAM. Ses recherches actuelles reposent sur l’exploration des caractéristiques de ce qui peut être nommé une « sonorité vivante ». En pratique, le travail consiste à trouver des façons d’élaborer des « créatures sonores » à l’aide notamment d’outils de composition algorithmiques, afin de mener à une réflexion philosophique plus large sur la nature du vivant.

Il produit également sous le pseudonyme v.ictor des compositions de musique électronique et s’inspire principalement de la scène microminimale. Combinant des sons de la nature qu’il capte à l’aide d’enregistreurs numériques et de la synthèse sonore conçue principalement avec des synthétiseurs modulaires, il construit une musique rythmée et riche en textures. Ses pièces ont été publiées notamment sur les Labels Archipel, Klangscheiben, WelterRecords (Verzila), Jambutel, Rebbot Prague, Forest & Rivers, Eminqc (Unlog) ou Rodark Records et a performé dans de nombreux événements et festivals tels Mutek, MoisMulti, Société des arts technologiques (SAT), Eclipse festival, Nuit blanche…

Il est également membre du groupe SiliconBeats, collectif d’artiste qui réalise des performances d’improvisation de musique électronique.

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